Écrire un roman en 19 jours
Les automates de Havenlon, premier tome de ma trilogie du Cycle de Havenlon, est mon premier roman édité aux éditions RroyzZ. Il fait environ 300 pages (69k mots) et j’ai écrit le premier jet début 2020 en 19 jours.
Ça ne me semblait pas si incroyable à l’époque, après tout j’y passais mes journées, n’était-ce pas normal que ça aille aussi vite ? Mais visiblement, ça a surpris pas mal de gens dans mon entourage, surtout ceux qui savaient combien de temps j’avais passé sur mes romans précédents. Alors ça m’a fait réfléchir : comment j’ai fait ? Pour les curieux parmi vous qui se posent la même question, je vais tenter d’y répondre, ou du moins donner les éléments qui me semblent les plus importants.
Disclaimer ! Avant toute chose, rappelons une évidence : vitesse n’est pas synonyme de qualité. C’est essentiellement à vous, lecteurs, de juger le roman par vous-même. Je ne prétends pas dévoiler des techniques secrètes pour écrire un « chef d’œuvre » en 19 jours, d’ailleurs je ne prétends pas donner le moindre conseil ici. Cet article est un retour d’expérience qui n’est pas forcément adapté à qui que ce soit d’autre, surtout vu à quel point l’écriture est un travail personnel. Mais si jamais ça vous aide dans vos propres projets, tant mieux !
Autre disclaimer : ces 19 jours ont résulté en un premier jet. Il s’en est suivi 4 mois pour le corriger, le faire relire et le corriger encore. Les versions première et finale sont identiques à environ 80%, mais les 20% restant sont ceux qui différencient un roman passable d’un roman satisfaisant.
Voici donc comment, avec le recul que j’en ai aujourd’hui, je suis parvenu à écrire un roman de 300 pages en 19 jours.
JE SUIS… LIBRE ?
Évidemment, écrire, ça prend du temps. Je ne vous parlerais pas d’écrire un roman en 19 jours si je n’avais pas eu la chance de me retrouver dans une situation qui me donnait ce temps. Ces 19 jours, furent 19 jours d’écriture à temps plein, c’est-à-dire entre 5 et 8 heures par jour devant mon PC, coupé du monde, avec de la musique dans les oreilles. Ça peut paraître difficile à tenir, mais il n’y a rien de plus motivant que de voir son roman avancer « en temps réel ». J’ai passé des années à avancer à vitesse de tortue, parfois une poignée de paragraphes en une semaine à côté de mes études, et c’est un rythme qui est extrêmement frustrant…
ARRÊTER DE RELIRE
Je me lève le matin, je déjeune, je me mets devant l’ordi, prêt à écrire, et… allez, avant de continuer, il vaut mieux se mettre dans le bain en relisant le dernier chapitre, non ? Non ! Très mauvaise idée. Ça prend un temps fou qu’on peut passer à écrire.
Je comprends l’argument de vouloir que tout soit le mieux possible avant de continuer, et relire le dernier chapitre ou les dernières pages qu’on a écrit permet de les peaufiner. C’est aussi ce que je me disais, avant. Mais on n’a aucun recul sur ce qu’on vient d’écrire, alors repasser sur les anciens chapitres sera toujours plus efficace après avoir terminé toute l’histoire.
TOUT PLANIFIER ???
J’ai travaillé sur plusieurs romans et sagas avant Les automates de Havenlon, et je n’en ai fini aucun. Il m’a fallu très longtemps pour en comprendre la raison. Jusqu’à maintenant, mon apprentissage se faisait uniquement par 1) la pratique, 2) la lecture. Je n’avais aucun recul sur mes méthodes d’écriture, et je pensais naïvement qu’il n’y avait qu’une seule technique : commencer à écrire, écrire, et terminer le livre.
Il a fallu que je m’instruise sur les techniques de construction d’histoire et que j’écoute d’autres auteurs parler de leur travail pour que je réalise enfin le problème : j’ai besoin d’un plan. Un plan précis, où je comprends le rôle de chaque portion de l’histoire. Je pourrais parler des heures des avantages d’un plan, mais il y en a un en particulier qui a beaucoup servi l’écrivain novice que je suis : l’adaptation face à l’imprévu. L’histoire s’invente beaucoup en même temps qu’on écrit, et elle peut nous emmener sur des fausses pistes assez facilement. On finit généralement par se rendre compte que quelque chose ne va pas, mais il est très difficile de comprendre pourquoi sans avoir un plan. (Bien sûr parfois les fausses pistes sont des idées géniales, et il faut modifier le plan en fonction.)
Il existe différentes manières de faire un plan, selon comment on « ressent » l’histoire. J’ai toujours eu un peu de mal avec le format en 3 actes (jusqu’à ce que je découvre son interprétation en 4 actes il y a 1 an et demi), et pour Les automates de Havenlon, j’ai décidé d’utiliser le « système des 7 points » de Dan Wells (dont je vous reparlerai à l’occasion). À partir de là j’ai pu planifier chacun des chapitres. Bien sûr comme c’était ma première fois avec cette méthode, le nombre de chapitres n’a pas vraiment suivi le plan, mais au moins la structure était là, comme un chemin de rails pour y poser les wagons. Encore aujourd’hui, je ne sais pas si j’aurais jamais fini un seul roman si je n’avais pas découvert ces techniques de planification.
PENSER « PETIT » !
Ça, ce n’était pas facile à accepter. Il faut savoir que j’ai toujours été un grand fan des sagas fantasy avec des tonnes de tomes (j’étais un grand fan de la Belgariade pendant mon adolescence, 14 tomes bonjour !). J’ai fait l’essentiel de mes dents de lait d’écriture sur une trilogie d’Epic Fantasy, parce que ça me semblait être le meilleur format sur le moment… Et je ne l’ai jamais finie.
Alors quand j’ai eu l’opportunité d’écrire à temps plein, j’ai mis de côté ma trilogie, et j’ai décidé d’écrire un livre, un seul, que je pourrais écrire vite. Un livre avec une histoire assez simple, maîtrisée à 100%. Pas trop de personnages, pas trop de worldbuilding, pas de diversions dans X quêtes secondaires. C’est comme ça qu’est né Les automates de Havenlon. Alors oui, il s’apprête à devenir une trilogie (sortie du tome 2 fin 2022…), mais le tome 1 peut se lire seul.
Ça aide énormément de voir « petit ». Dans la situation dans laquelle je me trouvais, finir un roman de 300 pages était beaucoup plus important que d’écrire 1000 pages d’un roman inachevé. Ce moment où on met le point final à un premier jet, c’est le meilleur boost de motivation qui existe. Même s’il faut réécrire des scènes après, même s’il faut changer des choses ici et là, rien ne paraît insurmontable après avoir fini d’écrire l’histoire dans son ensemble.
19 JOURS… OU 10 ANS ?
La dernière chose, enfin, c’est que même si j’ai écrit ce roman en 19 jours, je n’y serais pas arrivé si je n’avais pas passé 10 ans à écrire. Il y a un monde entre la théorie, ce qu’on imagine de l’écriture en lisant des livres ou en écoutant des conférences, et écrire véritablement. J’aurais pu gagner quelques années si j’avais étudié les théories de storytelling plus tôt, mais c’est tout. Écrire un livre, c’est mettre un bout de soi sur des pages… sauf au début. Au début, on y met des bouts des autres, des livres qu’on a lus, des films qu’on a vus. Et ce n’est qu’en écrivant qu’on peut découvrir quel auteur on est.