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Malgré les nombreuses théories sur la construction de scénarios (3 actes, 4 actes…), sur la création de systèmes magiques (lois de Sanderson, hard/soft magic system…), ou sur les arcs narratifs (want vs need, structure en 7 points…), quand il s’agit de créer des personnages de toute pièce, les choses semblent se faire beaucoup plus à l’instinct.
Comme chacun des 4 éléments de la Triforce du Récit, les personnages constituent une porte d’entrée dans une nouvelle histoire, en ce sens qu’il est possible de démarrer un projet d’écriture avec pour seule base une idée de personnage. Dans les autres cas, on voudra les inventer de telle sorte qu’ils rentrent en résonnance avec une idée thématique, un univers ou un scénario.
Des personnages jamais seuls
De mon point de vue, l’interdépendance entre les éléments de la Triforce du Récit est fondamentale, et elle devient flagrante quand on étudie les héros célèbres de Fantasy. Ainsi, Frodo, protagoniste du célèbre Seigneur des Anneaux, est un personnage parfait choisi et construit pour découvrir l’univers de Tolkien, vivre un scénario épique, mais aussi explorer les thèmes fondamentaux du récit, comme la corruption par le Mal, la loyauté et l’amitié, le sens de la bravoure, etc. Pourrait-on imaginer meilleur protagoniste comme pièce charnière entre tous les éléments qui fondent le récit du Seigneur des Anneaux ?
Quand j’ai commencé à préparer Les automates de Havenlon, j’avais l’idée de suivre les aventures d’une jeune fille scientifique et de son grand-père anti-progrès. Ca semblait être une dynamique intéressante à explorer, et c’est elle qui a défini le thème principal du roman : le conflit intergénérationnel dans une société en pleine révolution technique. Dans ce cas précis, c’est de la construction initiale des personnages qu’a découlé tout le reste : la société de Havenlon, le scénario et son climax, la voix du narrateur…
Il est facile de se laisser aller à inventer des personnages qui ne servent qu’à une seule chose, comme le bras droit du méchant qui fait avancer le scénario, ou l’enfant ignorant qui pose toujours les questions utiles pour développer l’univers. Mais les personnages efficaces sont ceux qui interagissent avec toute la Triforce du Récit.
Et pas la peine de chercher à tout prix de l’originalité dans les personnages ! Par les interactions entre les éléments du récit, même des personnages “clichés” peuvent devenir passionnants à suivre.
Des personnages qui progressent
Quand on commence à inventer un personnage, on tombe rapidement dans le superficiel, soit parce qu’on se focalise sur un trait de caractère particulier (le sarcastique, la badass, l’ours gentil, l’extrémiste religieux…), soit parce qu’on se concentre sur son rôle dans l’histoire (le traître, le magicien sage, le fermier élu de la prophétie…). Ce n’est pas un tort, ça peut même servir de bonne base, surtout quand on veut renverser les clichés (le mentor qui est en fait un traître, l’élu qui se laisse corrompre…). Mais s’il y a une chose que j’ai apprise à force de construire mes histoires, c’est qu’un personnage ne prend de la substance qu’une fois qu’il est confronté à un arc narratif.
C’est pourquoi quand j’invente un personnage, je me focalise essentiellement sur sa progression dans le récit. Un arc narratif, ce n’est pas seulement aller d’un point A à un point B, c’est un ensemble de forces, de pressions intérieures et extérieures qui s’exercent sur la psychologie du personnage, et c’est par sa manière de réagir à ces pressions qu’on découvre qui il est vraiment.
Parfois, on a prévu un arc narratif qui ne fonctionne pas avec la psychologie du personnage, mais on veut tellement suivre cet arc qu’on ajoute des pressions dont le seul rôle est de forcer coûte que coûte le héros dans la direction voulue, ou alors, pire : on se met à forcer des réactions qui ne sont pas crédibles. Dans ces cas-là, il faut d’abord être capable de reconnaître qu’il y a un problème – pas si facile, je peux vous le dire ! Et quand on en a conscience, encore faut-il trouver une solution. Doit-on revoir l’arc narratif pour coller à la psychologie de notre personnage ? Ou doit-on changer le personnage pour qu’il soit un meilleur acteur du récit que l’on veut raconter ? Comme toujours, il n’y a pas une seule manière de répondre. Mais une chose est certaine : si un personnage semble déconnecté de l’évolution de l’histoire ou du worldbuilding, personne ne s’en souviendra.
Mais encore…
Les réflexions de cet article servent à poser les bases sur l’invention de personnages. Mais comment construire des arcs narratifs ? Comment développer des personnalités complexes ? Comment trouver des noms ? Comment choisir l’âge du héros ? Je tâche de répondre à ces questions, avec mon approche du storytelling, dans les articles du portail Personnages listés ici.